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 | Sujet: CLÉLIA Bonnefoy  Sam 28 Avr - 21:34 | |
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âge ; dix-huit ans
sexe ; féminin
nationalité ; française
orientation ; indécise
signes distinctifs ; cheveux bleu océan se dégradant sur du vert d'eau ; met quelques fois des branches dans ses cheveux, à la manière d'un cerf
parcularités ; déteste profondément son prénom |
THE SUN WILL SHINE AGAIN TOMORROW Pourquoi j'ai pas changé de ville ? Tu commences bien, toi. Nan, j'ai pas envie de répondre tout de suite. On verra bien si j'm'en sens l'envie plus tard. On va débuter par autre chose. Moi, j'aime pas vraiment les gens. Je supporte pas les câlins ... Je supporte pas les gestes de tendresse tout court, en fait. J'ai une sainte horreur qu'on me touche familièrement. Les seules personnes qui ont le droit de m'enlacer, c'est Camille, et à la limite, mon père aussi. C'est pas grâce à lui que je suis née, mais il m'a élevée alors que mes enfoirés de véritables parents m'ont abandonnée.
Il paraît que mon pays natif, c'est le Canada. J'aime pas mal le Canada, c'est vrai. J'adorerais y retourner. J'y ai vécu jusqu'à mes douze ans. Ça manque, l'accent incompréhensible des Québécois. A dire vrai, on captait pas bien ce que je disais non plus, quand je suis arrivée avec ma langue baragouinée dans mon patois. Parfois, on s'amuse à parler à la manière Québécoise, Camille et moi. C'est drôle de voir la tête des autres, quand on marmonne des phrases à la vitesse de l'éclair. Et je m'en fous, de ce qu'ils peuvent dire. C'et ça que mon jumeau m'a apprit : vis ta vie, et laisse les autres penser ce qu'ils veulent, ou tu réussiras pas à t'en sortir dans cette ville.
Il a raison. D'autant plus que je me pense plus hétérosexuelle qu'autre chose, bien que je n'arrive toujours pas à me décider. Je dis aux autres que je ne sais pas. Ils me regardent bizarrement, mais en général, ils respectent. Je préfère dire ça plutôt que de leur faire croire que je suis bi' et me retrouver avec une fille qui me colle aux pompes pour sortir avec moi ... Les personnes qui habitent ici ont une peur bleue des hétéros. C'est pourquoi j'ai la trouille de leur dire que je suis peut-être bien hétéro ... Je suis certaine qu'ils s'acharneraient tous sur moi ! Imaginez : le moindre hétéro qui persécute tous les homos, transsexuels et bisexuels, ça pourrait ruiner la ville entière ! Le truc c'est que je suis pas homophobe. Mais pour la plupart des gens, un hétéro c'est un homophobe et donc un danger, point.
Y'a des potes à moi qui sont toujours à nous guetter quand on est ensembles, Camille et moi. Elles n'arrêtent pas de dire qu'on a trop l'air d'un couple incestueux et que c'est " so cuuuuuute ". Depuis quand c'est mignon, un couple incestueux ? Et puis merde, on sort pas ensembles. Mais les gens arrivent pas à se mettre ça dans le crâne. Alors ils nous regardèrent comme des bêtes étranges, et nous, bah, on s'en fout. Enfin moi moins que lui. Mais je commence à m'améliorer en je-m-en-foutisme.
Un autre bon truc à savoir : je déteste profondément mon nom. Mais sans déconner, Clélia ... Je hais mes parents biologiques, rien que pour m'avoir collé cette chose à porter jusqu'à la fin de ma vie. Ou ils étaient éperdument cons, ou ils se rendaient pas compte de l'énormité de ce nom. Ou bien les deux. Ils étaient tellement cons qu'ils ne se rendaient pas compte que ce nom était impossible à porter dans notre société actuelle. Bonjour le regard des gens, quand ils croient avoir mal entendu mon prénom ... Non, pas Célia, Clélia monsieur. Maintenant je vous prie de fermer votre gueule et d'arrêter de faire cette gueule stupide comme si je vous avais annoncé que je m'appelais Gertrude. Vous êtes gentil.
Je sais que la plupart des gens qui sont venus ici sont célibataires ou cherchent l'amour. Il y en a pas mal qui ont fuit les préjugés et les persécutions opérées par les hétérosexuels dans beaucoup de villes. Mais très peu sont ici parce que leurs parents ont décidé d'élire domicile ici. Et c'est mon cas. Et si, moi, j'instaurais une nouvelle forme de persécution, celle des hétéros ? J'ai peur d'être hétéro, je l'ai déjà dit. Mais si je viens à découvrir que je le suis réellement, je n'hésiterais pas à quitter cet endroit et à m'établir à un endroit où on m'accepte telle que je suis. Parce que c'est bien beau, d'accueillir à bras ouverts transsexuels, bisexuels et homosexuels, mais et les hétéros ? Ceux qui sont là contre leur volonté, comme moi ? Ceux qui n'ont rien demandé ? On aurait presque peur de s'assumer, et ils reproduisent exactement le même schéma que la société qu'ils ont fuit. Parce qu'après tout, c'est nous les bêtes bizarres, ici. Je trouve ça dégradant et injuste. Alors j'aime pas les gens.
Bon. Ce sujet abordé, je peux vous dire franchement que je suis dénudée de patience et autrement plus impulsive que mon jumeau. On a beau se ressembler sur bien des points, je suis largement plus langue de vipère que lui et aussi bien moins sage ! Quand on était encore jeunes ados, c'était l'inverse, mais depuis on a changé la donne. Oh, et puis, je ne supporte pas les balances. Ça me hérisse le poil. Et les dindes colporteuses, aussi. Ces sortes assez répandues de pouffes, qu'on ne traite pas de pute parce qu'une pute c'est une traînée, mais je considère les colporteuses comme des putes. Parce qu'il faut vraiment être immorale pour créer des ragots peut-être bien faux, juste histoire de passer le temps ou d'avoir l'air intéressante. La seule différence entre une vraie pute et une dinde colporteuse, c'est qu'une baise les mecs, l'autre les mots, une pour le fric, une pour l'attention. A la limite, la pute me paraît avoir une raison plus louable. Mais ce n'est que mon avis.
Aussi nous en revenons à votre première question. Je sais, je suis un génie d'y répondre en dernier. C'est qu'il fallait que vous lisiez ce qu'il y avait entre les deux. Pourquoi demeurer dans cette ville que je hais ? Bonne question. Pour être honnête, c'est pour mon père que je reste ici. Mon père, Rémy. Et aussi un peu en hommage à mon autre père, Simon, qui est venu ici pour couler des jours heureux. C'était son compter cette connerie de cancer.
Je ne me sens pas l'âme d'aller m'exiler quelque part d'autre dans un internat, loin de mon père et surtout de mon jumeau. Camille me manquerait affreusement. Et puis, lui, je sais qu'il s'en fout, des moqueries sur les homosexuels, mais moi, je ne supporterais pas qu'on le tanne. Et ici, on ne m'ennuie pas encore, même si je me sens un peu ... étrangère.
Alors voilà. Je n'ai rien de plus à ajouter ici. LOOK AT ME, I'M SANDRA DEE Franchement, voyez-moi comme vous voulez. Ce qui est fabuleux, avec l'écriture, c'est qu'on ne peut pas voir physiquement le personnage, il faut l'imaginer bouger, respirer, vibrer, ressentir des émotions. Même si ici on veut donne une image de moi, vous avez tout le loisir de me voir plus petite, plus grande, plus fine. Vous avez la possibilité de me visualiser dans votre tête de telle ou telle manière, faisant une action quelconque. Si vous aviez tous la capacité de représenter au détail près ce que vous voyiez dans votre tête, je ne serais pareille pour aucun d'entre vous.
Mais soit. Décrivons-moi, vu que cela semble vous faire plaisir. J'ai des cheveux bleu océan du sommet du crâne jusqu'à peu la moitié de ma chevelure. Le reste se dégrade doucement sur du bleu d'eau. Je suis très fière de cette couleur, même si je n'ai pas la moindre idée d'où elle peut provenir. Quelques fois, je les teins intégralement en bleu, cela dépend de mon humeur. J'aime à m'accrocher des bois de cerf postiches dans les cheveux. Je trouve ça adorable. Et tant pis si vous me prenez pour une originale. D'ailleurs, c'est ce que je pense être, donc finalement, pensez bien ce que vous voulez, cela m'est égal. Quand je vous disais que je faisais des progrès en je-m-en-foutisme ...
Mes yeux, ils sont bleu azur. Un bleu léger, aérien, quelque chose de doux. Quand on me connaît bien, on se rend compte que, la douceur, c'est pas trop ma tasse de thé ... Question taille, on peut dire que je suis plutôt petite, vers le mètre soixante et un, c'est pas gigantesque, pour une taille adulte. Et mon frère jumeau a réussi à me dépasser de trois ou quatre centimètres, je ne vous raconte pas mon désarroi ... Point de vue tour de poitrine et tour de taille, rien à signaler. J'ai des menstruations tout ce qu'il y a de plus louablement normal.
J'ai l'air tout ce qu'il y a de plus calme et sage sur terre au premier regard, mais apprenez à me connaître, et vous vous détromperez bien vite. Ne vous faites guère de préjugés sur mon compte, ça pourrait bien vous porter atteinte à un moment ou l'autre ... THIS IS THE FIRST DAY OF MY LIFE ... Clélia. C'est quoi cette putain d'idée de prénom ? Clélia. Voilà quoi. Pas tout à fait Célia, pas tout à fait Leila. Nan, je m'appelle Clélia. Je sais même pas ce qui est passé par la tête de mes parents quand il sont décidé de m'affubler de ce truc affreux pour ma vie entière. J'ai déjà pensé à changer de prénom, mais après ça craint auprès des potes. Eh, Clélia ! Nan, désolée, je m'appelle plus Clélia, coco.
Sous tous les angles, ce truc me pourrit la vie. Si on le prononce, au fond de moi, ça m'énerve, et quand on le dit mal, extérieurement, je m'énerve. Parce que ça a beau être à chier, Clélia, c'est mon nom, et je bouffe quiconque le dit mal. Parce qu'il n 'y a rien de plus laid qu'un prénom affreux mal prononcé.
Mais ça ne vous raconte mon histoire, ça. Bah, même en creusant, vous apprendrez pas grand-chose de ma vie qui diffère des autres. J'ai commencé à vivre, je vis, j'ai vécu. Joli résumé, non ? Mon humour est toujours mal perçu par la société. Je suis sûre que c'est à cause de ce connard de nom, là. Ça fait sale impression. Nom bizarre, fille bizarre. T'façon j'm'en fous, j'suis misanthrope sur les bords. Bref. J'parie que vous en avez rien à battre, bande d'ingrats. Donc je laisse place à l'histoire.
♣ • ♣ • ♣ • ♣ • ♣ • ♣ • ♣ • ♣
So if you want to be with me
Alors si tu veux être avec moi
With these things there's no telling
Avec ces choses pour lesquelles il n'y a pas de récit
We just have to wait and see
On doit juste attendre de voir
« - Prêt ?
- Oui ...
- Ah, tu te rends compte, tout ce qu'on a dû faire ...
- Oui.
- Ta conversation est affreusement constructive.
- Je sais. Je suis merveilleux.
- Je le sais aussi ...
Il l'embrassa doucement, comme pour calmer son anxiété. Il passa sa main dans ses cheveux.
- Ça ira ...
- Si tu le dis ...
- Tu sais pourtant bien que je suis un honnête homme !
- Ça, laisse-moi en douter.
- Rah, moi j'essaye de t'aider, et tu me repousses, ingrat !
- Allons allons, tu sais que je t'aime malgré que tu sois un menteur hors pair !
- Ça, c'est pas très sympa ...
- Oh, allez ! Tu sais que je rigole ...
L'homme prit son compagnon dans ses bras. Ils s'enlacèrent quelques secondes puis entrèrent dans le bâtiment. Anxieux, le plus taiseux des deux pressait la main de l'autre, et ce dernier lui souriait pour le rassurer. Ils discutèrent tranquillement avec une femme de service, et finalement, le taiseux alla de lui-même vers les bambins qui courraient et jouaient un peu partout dans la pièce.
Une petite fille aux cheveux bleus l'observait intensément. D'abord, il l'ignora, affreusement gêné par ce regard lourd. Puis la fillette se rapprocha de lui et finit par n'être plus qu'à un mètre. Il ne put éviter le dialogue.
- Bonjour. Comment tu t'appelles ?
- Et toi ?
- Ah ... Euh, moi c'est Simon.
- Tu as un drôle d'accent.
- Je suis Français.
- C'est quoi, Français ?
- C'est la personne qui habite la France. Toi, tu es Canadienne.
- Ah bon. C'est où, la France ?
- C'est loin, de l'autre côté de l'océan.
- C'est grand, l'océan ?
- Très. C'est beau.
- Alors je voudrais bien voir l'océan.
- Tu as les cheveux de la même couleur que l'océan.
La petite, étonnée, pris une mèche de ses cheveux et observa leur couleur, qui se dégradait du bleu océan au vert d'eau.
- Ça doit être d'une drôle de couleur. Parce que mes cheveux, ils ont deux couleurs, alors ...
- L'océan n'a que la couleur du haut de tes cheveux.
- Ah. Dommage.
- Ce n'est rien. Tes cheveux ont une très jolie couleur.
- Merci. On sait pas pourquoi mes anciens parents m'ont fait les cheveux comme ça.
- Ce n'est rien. Ça te sied à merveille.
- Me ... sciez ?
- Ça veut dire que ça te va bien.
- Mais scier c'est pas ... couper avec une scie ?
- Ce n'est pas le même verbe.
L'homme rit sous cape. Son compagnon, en pleine conversation avec un petit garçon quelques instants plus tôt, se dirigea vers eux avec un grand sourire et un air étonné.
- Salut ! Moi c'est Rémy. Et toi, c'est quoi ton nom ?
- J'aime pas mon nom.
- Ah ... ? Mais qu'est-ce que c'est ?
- J'aime pas mon nom alors je le dirais pas.
- Mais comment on va t'appeler, alors ? Petite fille ?
- Elle s'appelle Clélia.
La femme avec laquelle les deux hommes conversaient peu de temps auparavant était arrivée derrière eux sans bruit.
- Clélia, va jouer avec les autres un peu.
- D'accord, m'dame Travail.
La petite se précipita vers le garçonnet avec lequel Rémy discutait. C'est là que Simon s'en aperçut brutalement : étaient-ils ...
- Clélia et Camille sont bel et bien jumeaux. Je ne veux pas vous imposer de les prendre tous les deux, mais si vous comptez prendre un de ces deux enfants, je vous conseille de bien réfléchir. La séparation d'un frère et d'une soeur peut être assez cruelle ...
- Nous en prendrons bon compte, ne vous inquiétez pas. »
Les deux hommes se regardèrent intensément, puis observèrent les deux bambins qui jouaient à chat. Leur choix était déjà fait. Ils étaient tombés amoureux de ces deux petits bouts, et ils comptaient bien partager leur vie avec eux ...
They're gonna rip up your heads,
Ils vont déchirer vos têtes
Your aspirations to shreds
Mettre votre inspiration en lambeaux
Another cog in the murder machine
Une autre dent dans la machine à tuer
« - Camille ! Maintenant tu descends !
- Nan !
- Camille, je compte jusqu'à trois. Si à trois tu n'es pas descendu, ça va mal aller.
- J'ai pas faiiiiim !
- Je monte !
- OK, OK, je descends ...
Penaud, le gosse de douze ans avait la tête basse.
- Mais j'aime pas les épinards ...
- Ça n'a pas de goût !
- Assez pour que j'aime pas.
- Oh, tu exagères, allez ...
Le gamin s'assit à table, l'air contrarié.
- Camille, enfin ...
- Je sais, j'exagère.
- Ouais. C'est pas mauvais, les épinards. Mais t'es qu'une tête de mule.
- Clélia ! C'est qui, qui parlait à Camille ? Moi, alors maintenant tu manges et tu tournes ta langue dans ta bouche sept fois avant de parler, ça t'évitera d'ajouter des commentaires aussi inutiles.
- Rémy ... Du calme.
- Ouais, ouais ...
Ils mangèrent dans le silence le plus complet tout le reste du repas. Soudain, la voix claironnante de Clélia retentit à nouveau.
- On fera un Incollables ?
- Ouais ! Moi j'veux bien, Clélia !
- On verra, nous deux. Si vous vous tenez tranquilles, sinon on ne joue pas ...
- D'accord !
Durant le jeu, Simon parut mal à l'aise. Camille, le remarquant, regarda son père d'un air intrigué.
- Qu'est-ce qu'il y a, papa ?
- C'est que ... Euh ... On a quelque chose à vous dire.
- Ah ?
Clélia, plongée dans la contemplation des pions et évaluant ses chances de remporter le jeu, releva brutalement la tête.
- On va déménager.
Les deux pré-ados regardèrent d'un air ahuri leurs pères, puis se lancèrent un regard exactement au même instant l'un et l'autre. Et d'une même voix, il s'exclamèrent :
- Non !
- C'est que ... C'est dur pour nous de vivre ici.
- Et nous ? Ce sera dur, pour nous, de vivre autre part !
- Et d'abord, on va où ?
- Et mes copains, je les reverrais comment, moi ?
- Du calme, les enfants. Nous allons habiter à ...
Un temps.
- Cette ville s'appelle Gay Town.
- Ça promet.
- Tu sais, les gens me charrient pas trop quand je leur dis que j'ai deux pères ...
- Oui pour nous, au boulot, ça devient insupportable. Et on a une très bonne offre d'emploi pas loin de cette ville.
- Mais ...
- A la fin de l'année scolaire, nous déménagerons.
- C'EST PAS JUSTE !
Clélia s'était levée d'un bond, furieuse, puis fonça s'enfermer dans sa chambre. Camille courut à sa suite, non sans avoir lancé un regard qui couvrit les deux hommes de culpabilité.
- Tu verras, ils s'y feront ...
- J'espère. »
They said it'd bring some closure to say your name
Ils ont dit que dire ton nom nous rapprocherait
I know I'd do it all different if I had the chance
Je sais que j'aurais tout fait différemment si j'en avais eu la chance
But all I got are these roses to give
Mais tout ce que je possède, ce sont ces roses à te donner
« - J'l'aime pas, Céline. Faut qu'elle capte ça. Je-ne-l-ai-me-pas.
- Va lui dire en face.
- T'es dingue, toi !
- Bah ... Ça me semblait une bonne idée.
- Mais enfin, Camille, elle va me foutre une pêche en pleine gueule, si j'lui dis ça ...
- Oh, elle doit pas être si méchante !
- C'est ce que tu dis. T'as vu ses bras ? Elle fait de l'escalade. Que du muscle là-dedans.
- Ça veut pas dire qu'elle s'en servira ...
- Je tiens à ma vie. Et toutes ces emmerdes parce qu'on habite ici. Dans cette putain de putain de putain de ville.
- Allez, exagère pas.
- Mais toi tu t'en fous, t'es gay !
- Et toi, t'es quoi ?
- Mais je sais paaaaas putaiiiiin ! Je le saurais quand ... quand je le saurais ! Là j'suis encore jamais vraiment tombée amoureuse ...
- Justement. Cette non-décision, ça peut t'apporter des problèmes. Comme ceux que tu as en ce moment.
- Roh mais Camille, tu me fais chier. Je saurais quand je saurais. Je vais pas dire à Céline que je suis hétéro si je suis pas sûre de l'être. Je suis pas bi, pas hétéro, pas lesbienne. Être bi ce serait une solution, mais je suis pas sûre. Mais si t'y tiens, on va dire que j'suis bi, voilà.
- Donc tu ouvres une porte à Céline.
- Mais c'est même pas question de ça, je ne suis pas amoureuse d'elle !
- Fais ce que tu veux.
Clélia s'affala sur une chaise, désespérée. Comment gentiment envoyer balader Céline ? Elle se leva, furibonde. Elle renversa sa chaise tant le geste fut violent. Sa voix était criarde sans élever le ton.
- Je sais pas, je sais pas ! Je déteste cette ville, je me déteste de pas être homo, je déteste ce putain de nom que nos connards de parents biologiques m'ont donné, putain, je déteste TOUT !
Elle ne pleurait pas, mais ses mains malmenaient ses cheveux, les tirant, les tordant, plongeant dedans et les secouant en tous sens. Camille s'approcha d'elle, posa ses mains sur les siennes, occupées à torturer sa chevelure. Il fixa son regard bleuté sur le sien. Elle s'apaisa.
- Tout doux, Clélia. Il ne faut pas te presser, d'accord ? Tu sauras quand tu sauras. En attendant, il faut que tu dises à Céline que tu ne veux pas sortir avec elle. On n'a que quinze ans. Tu as encore beaucoup d'années devant toi. Ne te déteste pas parce que tu ne sais pas encore ce que tu es. Prends ton temps. Compris ?
- Compris.
Elle étreint son frère, complètement calmée. On aurait pu aisément les prendre pour deux amants, tant leurs gestes étaient tendres, mais pour eux, tout cela était tout à fait normal entre jumeaux.
- Camille ...
- Oui ?
- Tes potes auraient encore pu penser qu'on sortait ensembles, après ça.
- Je m'en fous de ce qu'ils pensent.
- T'as bien de la chance.
- De toute façon, ils savent que je suis homo. Et, plus important que tout, j'en suis certain. Donc ce qu'ils peuvent dire, c'est rien.
- J'aimerais tellement être comme toi ...
- Sois toi-même, et ce sera parfait.
Silence.
- Quand même, Clélia, c'est un nom pourri.
- Il y a pire.
- Ouais, mais concède au moins que ça sonne mal.
- Je trouve ça joli.
- Parce que tu l'entends depuis que t'es gosse. Tu l'aurais jamais entendu, t'aurais pensé autrement.
- N'empêche qu'il n'en est pas ainsi, et j'aime nos noms.
- T'as de la chance.
- On a de la chance.
- Splendide nuance.
Ils s'observèrent dans le blanc des yeux quelques instants. Clélia reprit la parole.
- Je trouverais.
- J'en suis certain.
- Je partirais.
- Quoi que tu fasses, tu peux pas nier aimer cette ville.
- Je la hais.
- T'y tiens.
- Faux.
- Mensonge.
- Peut-être un peu ...
- Aha !
- Ouais, bon bon ...
- On s'fait une partie d'échecs ?
- Je vais t'écraser, scarabée. »
I will not kiss you,
Je ne vous embrasserai pas,
'Cause the hardest part of this,
Car la partie la plus difficile de tout ça,
Is leaving you.
Est de vous quitter.
« - Clélia ...
- Laisse-moi !
- Mais Clélia ...
- Laisse-moi, je te dis ! Je veux le voir !
- Clélia, t'arranges rien ...
- Camille, je ...
- Oh, maintenant, Clélia, TA GUEULE !
Les yeux larmoyants de la jeune fille se posèrent sur le visage de son frère. Elle se blottit dans ses bras et sanglota. Une fois les larmes taries, elle fixa son regard sur un point précis.
- Pourquoi il n'a rien dit ?
- Il ne voulait pas qu'on le voit comme un mourant.
- On a raté tellement de choses ...
Rémy sortit d'une pièce d'un air anéanti. Il observait ses enfants. Il était démoli.
- C'est un mauvais rêve, hein ? Ce n'est qu'un mauvais moment ...
- Papa ...
- Non, Clélia, ne dit rien. C'est si affreux, comme cauchemar ... C'est cruel, tant c'est réel ...
Il lança un regard perdu aux jumeaux. Il s'effondra dans leurs bras.
- Pourtant, je le savais, qu'il l'avait, ce cancer ... Il ne voulait pas qu'on vous le dise ...
Ils ne dirent plus rien. Ils restèrent certainement longtemps silencieux. L'horloge continuait sa course. Rémy reprit la parole.
- Il n'a même pas voulu faire des choses dont il avait toujours rêvé. Il voulait vivre ses dernières semaines normalement. Ne rien changer. J'ai encore plus pleuré que lui quand on a apprit la nouvelle. Votre père était merveilleux. Vraiment merveilleux ...
Ses enfants le regardèrent, les yeux aussi larmoyants que les siens.
- Tu te souviens, Camille, de cette chanson qu'il nous chantait souvent ?
- Quel est le rapport, Clélia ? C'est pas le moment ...
- Souviens-toi. Le refrain de " Truth Begins " des Dirty Pretty Things.
- Oui ...
La demoiselle se racla la gorge. Elle chantait si fort qu'on l'entendait dans tout le couloir.
Rémy se remémorait cette chanson. C'était la préférée de Simon. Il disait sans cesse que c'était la source même de son espoir, lorsqu'il pensait que tout était perdu. Cette musique ... L'air était tellement revigorant, tellement heureux ... Il aurait voulu qu'il ne s’apitoie pas ainsi, se reposant sur les épaules de leurs jumeaux, qu'il adorait plus que tout. Alors que lui était le père, c'étaient ses jumeaux qui lui avait ouvert les yeux sur la marche à prendre. Il se leva.
Il était temps de faire honneur à son aimé.
Quelques jours plus tard, ce fut l'enterrement de Simon à l'église. Clélia serra la main de son frère. Elle se mordait les lèvres, aussi anxieuse que triste. Et pourtant, jamais elle n'avait été si pleine d'espoir. Après les témoignages de ses proches, et après que Camille soit également passé devant tous ces gens rassemblés pour son père, elle prit la lanière de sa guitare électrique. Tous ceux qu'ils attendaient étaient là. On lui arrangea le micro. Son frère prit sa guitare acoustique. C'était bientôt la fin de la cérémonie.
Ils la terminaient en tout beauté. Juste pour lui.
- Cette chanson est dédiée à tous ceux qui pensent, malgré la tristesse, qu'il y a de l'espoir. Parce que mon père, lui, n'a jamais abandonné. Vous ne pouvez pas prétendre l'aimer sans espérer. Même lorsqu'il désespérait, il cherchait à rejoindre la lumière. Et même lorsqu'il était au fond d'un gouffre, il s'en sortait ! C'est pourquoi il adorait cette musique, et c'est pourquoi nous l'adorons aussi. Nous allons vous la jouer, et retenez bien son refrain. C'était toute sa philosophie de vie.
Les guitares résonnèrent dans l'église. La voix de Clélia retentit. Elle chantait. Les larmes perlaient au bord de ses yeux. Enfin arriva le refrain. Les larmes roulaient sur ses joues. Elle pleurait mais sa voix ne tremblait pas.
- So sow it up kid have some clout
( Alors n'hésite pas gamin, prend de l'assurance )
We'll do some wine and fall about
( Nous prendrons du vin et rirons )
The sun will shine again tomorrow
( Le soleil brillera de nouveau demain )
Look beyond the parapet
( Regarde au-delà du parapet )
We are just bums lest you forget
( Nous sommes juste minables de peur que tu n'oublies )
We can beg steal and borrow
( Que l'on peut y arriver par tous moyens ). »
[ Truth Begins, Dirty Pretty Things - attendez le refrain, il est réellement splendide :3 ]
| surnom ; devinez /o/ ?
âge ; quinze ans
pays ; Belgique /o/
codes ; Bloups. Nim
une suggestion ? ; Bannissez le noir, parce que, sur fond noir ... x)
autre ;
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Dernière édition par Clélia Bonnefoy le Ven 11 Mai - 20:58, édité 25 fois |
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